
En 1957, l'assemblée législative de l'État de Floride adopta une résolution s'opposant à l'arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1954, appelé Brown contre la Commission scolaire, c'est-à-dire l'affaire de Topeka, au Kansas, qui mit fin à la ségrégation légale dans l'éducation publique. La ségrégation raciale fut à l'origine déclarée constitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis dans l'arrêt Plessy contre Ferguson en 1896. Cette décision jeta les fondements des « lois Jim Crow » en déclarant la ségrégation légale si les lieux étaient « séparés, mais égaux ». La décision Brown élimina ce principe, et pour de nombreux ségrégationnistes, l'affaire ouvrait une brèche vers la fin de la ségrégation. L'assemblée législative de Floride, qui fit valoir que la décision usurpait le pouvoir constitutionnel de l'État, adopta une résolution déclarant la décision de 1954 de la Cour nulle et non avenue. La résolution « d'interposition » visait à s'interposer entre les citoyens de Floride et le gouvernement des États-Unis en réaction à ce que l'assemblée considérait comme une intrusion illégale du gouvernement fédéral dans les droits de l'État. Bien qu'il condamnât initialement la décision Brown, à l'instar de la majorité des élus du Sud, le gouverneur LeRoy Collins voulut empêcher l'assemblée d'adopter la résolution. Pour ce faire, il eut recours à une disposition peu connue de la constitution de l'État, qui lui permit d'ajourner unilatéralement l'assemblée pour empêcher la ratification. Au retour de l'assemblée et après l'adoption de la résolution, il ne pouvait plus y imposer son véto, car il ne s'agissait plus d'une loi, mais seulement d'une résolution exprimant l'opinion de l'assemblée sur la question de l'intégration raciale. Cependant, lorsqu'elle arriva sur son bureau, Collins ajouta la note manuscrite suivante au bas de la résolution : « La présente résolution " d'interposition " parvient au gouverneur par routine. Je n'ai pas le pouvoir d'opposer mon véto. Je saisis toutefois cette opportunité pour informer l'élève étudiant le gouvernement et consultant peut-être ce document dans les archives de l'État au cours des années à venir que le gouverneur de Floride exprima une opposition ouverte et vigoureuse sur le sujet. Selon moi, la Cour suprême des États-Unis a usurpé illicitement les pouvoirs réservés aux États en vertu de la constitution. Je me suis joint à la protestation, et j'ai cherché des moyens légaux d'annulation. Si cette résolution déclarant les décisions de la Cour " nulles et non avenues " devait être prise au sérieux, ce serait l'anarchie et la rébellion contre la nation qui doit demeurer " indivisible sous l'autorité de Dieu " pour survivre. Non seulement je condamne " l'interposition ", comme plusieurs m'ont poussé à le faire, mais je la dénonce également comme un mal attisé par les démagogues, et porté au grès des vents chauds et erratiques de la passion, des préjugés et de l'hystérie. Si aujourd'hui même l'histoire doit me juger, je souhaite que l'on sache que j'ai fait de mon mieux pour éviter cette ignominie. Si j'ai tort, alors la preuve de ma culpabilité pour appuyer ma conviction se trouve ici dans ma propre écriture et au-dessus de ma signature. Le gouverneur LeRoy Collins. 2 mai 1957 ». Le document présenté ici est le texte complet de la résolution, avec la note manuscrite de Collins au bas de la page 9.